Le Point.fr – Publié le 02/11/2011 à 19:21

Le patron recrute ses courtiers dans les quartiers sensibles parmi les « décrocheurs » du système scolaire.

Son idée est de faire placer des produits d’épargne par et pour des gens issus de quartiers populaires. © Delphine Goldstejn / Le Parisien / MaxPPP

Par AZIZ ZEMOURI

C’est un conte de fées à l’américaine. « Non, à la française », rectifie Rodolphe Pedro, 39 ans, patron de la Compagnie française de conseil et d’investissement (CFCI). Sa société gère un milliard d’euros pour plus de 4 000 clients.

Ce self-made-man remet mercredi ses diplômes de courtier en assurances à la deuxième promotion de l’Université de la finance (Unifi), basée à Lyon, et hébergée par l’Idrac, une école de commerce privée. Les diplômés de l’an dernier exercent tous le métier auquel ils ont été formés chez Axa, April Santé ou encore Swiss Life. Le jeune P-DG est optimiste : il croit qu’il peut transformer le plomb en or. Le plomb ? Ces jeunes adultes des quartiers populaires qui « tiennent les murs » et qui sont perdus, pense-t-on, pour le PIB. Il prend le pari de faire de ces décrocheurs qui ont trop séché l’école des as de la finance, plus précisément des conseillers en gestion du patrimoine. Les candidats sont recrutés sur lettre de motivation puis entretien. La formation est gratuite. Le généreux mécène finance son initiative avec les bénéfices de sa compagnie.

Son idée ? Faire placer des produits d’épargne par des gens issus de quartiers populaires auprès des habitants de ces mêmes zones. Lui-même donne l’exemple : sur les 100 collaborateurs de sa compagnie, 60 sont issus de quartiers difficiles. Dans le milieu de la finance, l’audace de cet homme, né en Suisse et qui a grandi dans les cités du Rhône, détonne. De quoi se mêle-t-il ? « Qu’il se contente de faire de l’argent et tout ira bien », s’est-il entendu dire chez ses concurrents. « Demander à des jeunes de changer de look n’est pas le plus difficile : troquer son survêtement pour un costume et les former à un métier, c’est un challenge, mais on y arrive, explique Rodolphe Pedro. Le plus dur, ce sont les bâtons dans les roues qu’on vous met.

Prochaine étape, s’installer dans le 9-3

A priori, on se dit qu’une initiative qui ne coûte rien aux pouvoirs publics devrait être plébiscitée. On en est loin. « On lui a tout fait, à Rodolphe, explique un analyste financier d’un cabinet concurrent. Comme il vient de banlieue, on a mis les flics à ses trousses et sali sa réputation ! » Toutes les procédures se sont soldées par des non-lieux. Et c’est la PJ lyonnaise qui lui empoisonnait la vie qui est aujourd’hui dans le collimateur de la justice. « Après tout ce que j’ai subi ces deux dernières années, il faut avoir des valeurs humaines profondément ancrées pour ne pas lâcher prise, car abandonner l’Unifi, cela aurait été comme déserter. » Prochaine étape pour l’abbé Pierre de la finance : s’installer dans le 9-3.